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Le Darjeeling "le champagne des thés noirs"

Pour les connaisseurs les plus fins, rien n'égale le Darjeeling, souvent qualifié de « champagne des thés noirs ». Arborant une teinte ambrée délicate et une légère amertume, adoucie par des notes fleuries et épicées, il incarne une subtilité sans pareille. Ce trésor végétal prospère en haute altitude, au pied de l'Himalaya, et son histoire a tous les airs d'un récit d'espionnage captivant.


En 1848, la Compagnie britannique des Indes orientales, envieuse des précieuses tisanes chinoises, chargea le botaniste Robert Fortune d'une mission secrète : infiltrer l'empire des Qing pour dérober des graines et des plants de théiers. Pour passer inaperçu, Fortune maîtrisa le mandarin, adopta la coiffure traditionnelle avec une longue natte, et se fondit dans le costume local. De cette aventure naquit un récit palpitant, regorgeant de détails sur la vie dans l'est de la Chine (voir "La Route du thé et des fleurs", éd. Payot & Rivages), mais aussi de 20 000 plants cachés dans de modestes serres.


Suite à ce subterfuge, les plantations de thé se multiplièrent dans les colonies anglaises, notamment à Ceylan et en Inde, près d'une petite ville du Bengale-Occidental baptisée Darjeeling. Aujourd'hui, ces contreforts himalayens abritent une variété unique obtenue par l'hybridation entre un théier local et celui rapporté par Robert Fortune. En raison du relief abrupt, la région ne compte qu'une poignée de plantations (sur 19 000 hectares), mais qui assurent les moyens de subsistance de 75 000 cueilleuses et de leurs familles. En effet, ce sont principalement des femmes que l'on compte parmi les cueilleurs, les propriétaires préférant leur délicatesse pour récolter les bourgeons et les premières feuilles, les plus prisés.



Les récoltes suivent un rythme saisonnier, se divisant en trois principales (et deux intermédiaires) :


La cueillette des first flush : Cette récolte printanière, la première de l'année, démarre à partir de la mi-mars. Les thés qui en résultent nécessitent une infusion légère. Leurs arômes sont profondément végétaux, agrémentés de notes de raisins muscats.


La cueillette des second flush, également appelée récolte d'été, s'étale de juin à août. Elle représente la majeure partie de la récolte annuelle. Les feuilles prennent une teinte brune, parsemées de nombreux bourgeons. Les arômes sont plus fruités, avec des nuances tanniques plus prononcées que ceux des first flush.


La cueillette des third flush, ou récolte d'automne. Les thés issus de cette cueillette sont généralement plus corsés et plus tanniques, souvent marqués par une forte oxydation.


Le Darjeeling, vendu jusqu'à 1 600 euros le kilo, ne représente qu'1 % de la production totale de thé en Inde. C'est véritablement un produit rare et précieux à l'instar d'un grand cru.

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